ADIEU
MONSIEUR KHALDEI
Evguéni
Khaldei est mort le 6 octobre 1997 à l’âge de 80 ans. Au fil des années, il
devint le plus grand photographe soviétique. C’est lui qui réalisa la photo
mythique de la prise du Reichstag par l’armée soviétique, immortalisée par
plusieurs timbres dont celui émis par l’Ouganda (reproduit ici) pour le
cinquantième anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale.
Evguéni
Khaldei est né en 1917 à Moghilev, en Biélorussie. Ses débuts dans la vie
furent rapidement tragiques. Il avait un an quand sa mère, qui le tenait sur
ses genoux, fut assassinée dans un pogrom antisémite en 1918. A l’âge de 12
ans il fabrique son premier appareil photo avec une boîte en carton et un verre
à lunette de sa grand-mère. A 13 ans, avec un salaire de huit roubles, il
emprunte pour acheter son premier appareil pour 120 roubles. En 1933 il peut
acquérir un véritable appareil à soufflet, un Photocor de fabrication russe,
et réaliser sa première exposition qui lui valut un prix de 500 roubles. Un an
plus tard Khaldei peut enfin se payer l’appareil de ses rêves, qu’il
embrasse tous les jours, un FED qui est une copie russe du fameux Leica. Jusqu'à
ses derniers jours, il utilisa un Leica que lui offrit Robert Capa aux Etats
Unis. Les appareils très sophistiqués ne l’intéressaient pas. « Certains
pensent que le fait d’obtenir quinze images par seconde en appuyant sur un
bouton est un progrès ; moi je n’appuie qu’une seule fois, la bonne. »
Très
tôt remarqué pour son talent, il n’est pas un président (de Staline à
Eltsine), pas un artiste ou événement important de l’URSS qui ait échappé
à son œil de photographe. Devenu reporter de guerre, il fut intégré dans
l’armée de Joukov le 2 mai 1945 et réalisa de nombreux reportages
photographiques comme la rencontre de Potsdam, les accords de Paris, Goering au
procès de Nuremberg et peut être la prise du Reichstag qui fit le tour du
monde et lui valut le Prix de Lénine. Peut être parce qu’il existe un doute
de l’authenticité de cette photo qui proviendrait, en réalité, d’un film
russe de propagande datant de 1953. Employé à l’agence Tass et à la Pravda,
il fut renvoyé en 1948 parce qu’il était juif. C’est l’antisémitisme
qui le relégua au second plan avant son retour en grâce ces dernières années.
Il n’a jamais eu d’exposition officielle en Russie, un pays qu’il
continuait à aimer malgré tout, même si « rien
n’y a changé ». « J’ai subi une longue période de chômage ;
j’ai finalement trouvé un petit emploi dans une revue d’art, la Culture
soviétique ; je devais photographier
des musiciens mais il était interdit de photographier des musiciens juifs
; ce qui posait un réel problème car la plupart étaient juifs ;
alors je photographiais Rochmaninov et puis Katchatourian, et puis Rochmaninov
et puis Katchatourian... »
Jusqu'à
ses derniers jours, Khaldei continua à exercer son métier. Il était plus célèbre
à New York ou à Paris qu’en Russie. Dans son minuscule deux pièces, son lit
était tout prêt de son agrandisseur et de ses bacs à développement. Il ne
touchait même pas de royalties quand ses photos étaient publiées dans les
plus grands magazines du monde entier.
Adieu
Monsieur Khaldei et merci de nous avoir raconté l’histoire de ce siècle avec
beauté, même lorsqu’il s’agissait de photos de guerre, et d’avoir
toujours fait preuve d’un éternel « humour
triste ».
Références :
·
ANISSIMOV
M. - Evguéni Khaldei : photographe sous Staline - L’Arche - 1997 ; 475 :
92-93.
·
KELLER-LIND
H. - Evguéni Khaldei ou l’histoire en photos - Actualité Juive - 1997 ;
537 : 24.
L’iconographie de cet article peut être obtenue
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