LA BIBLE ET L’IMPRIMERIE HEBRAIQUE

 

(José SALMONA)

 

 

 

En 1988, on a célébré en Italie le 500ème anniversaire de la publication de la première Bible imprimée en hébreu, qui fut l’œuvre de la famille SONCINO, venue d’Allemagne mais installée dans la ville de Soncine dont elle avait adopté le nom.

 

Le timbre émis par les Postes italiennes représente une tête de page utilisée par les Soncino pour le Livre de la Genèse. Il montre le mot « BERESHITH » en hébreu entouré de motifs décoratifs.

 

Des presses à imprimer étaient déjà en usage en Italie depuis une dizaine d’années lorsque Israël Nathan Soncino et son fils Josué Salomon décidèrent d’imprimer des livres en hébreu. En effet, on relate la publication, vers 1475, de deux ouvrages publiés, l’un à Réggio di Calabria, l’autre à Piove di Sacco près de Venise, cette même année.

 

En 1476, paraît en Espagne à Guadalajara le premier d’une série de 15 livres qui seront imprimés au cours des six années suivantes.

 

Dans une période très courte de quelques années, des presses hébraïques sont installées à Mantua, Bologne, Ferrare en Italie et à Hijar en Espagne. En 1477, un Livre des Psaumes, avec un commentaire de David Kimhi, est publié à Bologne. La même année, Abraham ben Hayyim de Pesare, imprime à Bologne une édition du Pentateuque avec les commentaires de Rachi en utilisant des caractères très élégants du type « Séphardi » carré et, pour les commentaires, des caractères cursifs plus petits de type italien. Cette édition fixera la maquette typique des textes bibliques avec commentaires pour toutes les parutions futures.

 

Les lettres utilisées par les Soncino, dites du type « Séphardi » étaient mieux adaptées aux exigences mécaniques de l’impression et serviront de base et de modèle aux imprimeurs successifs.

 

Dans la première moitié du 16ème siècle, Venise devient aussi un centre d’impression hébraïque, notamment avec l’arrivée d’Anvers de Daniel Bomberg. Ce dernier se distingue par l’utilisation de caractères améliorés, de papier de haute qualité, qui donnent aux textes imprimés leurs lettres de noblesse.

 

Un deuxième centre d’imprimerie se développe à Prague dans la 2ème décennie du 16ème siècle avec l’utilisation de caractères dits du type « Ashkénaze », l’influence de Prague s’étend en Allemagne et en Pologne.

 

En 1526, Guershon Kohen publie un ouvrage remarquable, une HAGGADAH, in quarto, composée avec de grands caractères de type ashkénaze constituant le style gothique tardif de l’inscription hébraïque.

 

Parmi les graveurs célèbres des caractères hébraïques, il faut citer Guillaume Le Bé, originaire de Troyes, qui consacra sa vie entière, d’abord à Venise puis à Paris, au dessin et à la gravure des lettres hébraïques. On attribua à Le Bé la création de 20 polices différentes de caractères hébraïques. Jusqu’à une époque récente – 1939 –

Les presses Belforte à Livourne utilisèrent des lettres inspirées de ces polices. En 1970, les fonderies Nebiole à Turin fabriquaient encore des caractères dérivés des modèles de Le Bé.

 

Le Bé procura à Christophe Plantin, originaire de Tours et devenu par la suite le plus célèbre imprimeur d’Anvers, les lettres hébraïques qui furent utilisées dans sa Bible Polyglotte (hébreu, araméen, latin et grec) en 1569-1572. Plantin est connu pour l’impression d’auteurs classiques, fables, traités scientifiques, grammaires grecques et hébraïques, mais aussi pour la production en gros de Bibles hébraïques envoyées à Paris, Anvers et Francfort. Il aurait aussi envoyé 200 exemplaires de la Bible en Barbarie (Maroc).

 

Des imprimeurs chrétiens en Allemagne et en Hollande adoptèrent les modèles de Plantin et devinrent, aux 17ème et 18ème siècles, les plus grands diffuseurs d’ouvrages hébraïques.

 

Le premier imprimeur en Hollande fut Manassé ben Israël qui utilisa des caractères à partir de modèles créés par le chef-scribe hébraïque d’Amsterdam, Michael Judah. Son premier ouvrage fut un livre de prières de rite séphardi, en 1627. Il faut aussi citer, en Hollande, la famille « ATHIAS » qui a produit, entre autres, la fameuse Bible hébraïque en 1661 et une belle édition du Michné Torah de Maimonide en 1702/3.

 

L’impression prend son essor véritable avec les Soncino. Ainsi le premier, parmi les 130 ouvrages imprimés par cette famille, est le traité talmudique « BERACHOT » en 1488, suivi de peu par la Bible.

 

La famille Soncino s’établit par la suite à Casalmalggiore et crée des imprimeries à Pesare, Naples, Rimini, Salonique, Le Caire et Istanbul. Cette activité s’étend jusqu’en 1557. Ces créations ont souvent été dictées par la nécessité de se déplacer, l’attitude des autorités locales n’étant pas toujours « favorable » vis à vis de ses concitoyens juifs.

 

Par la suite, ce fut le neveu de Josué Salomon qui prit l’affaire en mains. Néanmoins il dut s’exiler d’Italie vers 1526, période au cours de laquelle furent publiés les derniers ouvrages dans ce pays. Ce neveu, Gershon ben Moses, se fixa en Turquie mais publia d’abord à Salonique, puis à Constantinople. La dernière publication portant le sceau des Soncino parut au Caire en 1550.

 

Rappelons qu’entre 1563 – 1577, des presses à imprimer furent installées à Safed et que les livres qui y furent imprimés furent très recherchés en raison de leur belle impression. Les Postes israéliennes ont émis en 1977 un timbre de 4.00 Liroth commémorant le 400ème anniversaire de l’introduction de l’imprimerie hébraïque en Terre Sainte – Safed 1577 – 1977.

 

Dans l’Empire Turc, les autorités musulmanes accordèrent très tôt aux autres communautés religieuses le droit d’imprimer, à condition qu’elles ne le fassent ni en arabe ni en turc.

 

En 1494, des juifs Sépharades imprimèrent un Pentateuque en hébreu, accompagné de commentaires.

 

La première presse à imprimer du monde musulman fut installée en Turquie en 1727 par Ibrahim Muteferrika, hongrois d’origine, qui engagea un juif comme maître-imprimeur.

 

Plus près de nous, au 19ème siècle, l’imprimerie prit un essor très important en Allemagne. En 1800, la maison Heidenheim et Baschwitz à          Roedelheim (près de Francfort), publia un nouveau Mahzor en 9 volumes utilisant des caractères carrés et cursifs sépharadis pour le commentaire et le cursif ashkénazi pour la traduction allemande.

 

En Europe de l’Est, la plus importante production typographique fut la superbe édition du Talmud de Babylone par la maison ROMM à Vilna en 1880-86.

 

Pour mémoire, rappelons que GUTENBERG inventa en 1440 la typographie à caractères mobiles qu’il utilisera pour imprimer la Bible de Gutenberg » parue à Mayence entre 1448 et 1454.  

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