AVEZ-VOUS DIT "JUSTES PARMI LES NATIONS ?"

 

 

C’est le 19 août 1953 que la Knesset (parlement israélien) vote la loi sur l’établissement du Mémorial de la Shoah (holocauste juifs de la dernière guerre mondiale) de Yad Vachem à Jérusalem (1). Par la même occasion est créée la distinction de "Juste parmi les Nations". On désigne par Juste les non-juifs qui ont risqué leur vie pour sauver des juifs pendant la seconde guerre mondiale. En 1963, une Commission de Désignation des Justes est créée à Yad Vachem. Son travail est d’étudier les dossiers qui lui parviennent des quatre coins du monde et d’attribuer la Médaille des Justes à ceux qui remplissent les conditions suivantes : avoir risqué sa vie, ne pas avoir réalisé de profit personnel, être guidé par une motivation humanitaire et bénéficier du témoignage des personnes sauvées. Il s’agit de la plus haute distinction que le peuple juif puisse accorder à un non-juif qui a sauvé l’un des siens. A ce jour, environ 16 000 femmes et hommes ont été reconnus comme "Justes parmi les Nations". Leurs noms sont gravés sur des tablettes dans le jardin de Yad Vachem et près de 2000 arbres ont été plantés en leur honneur en ce lieu pour les plus importants d’entre eux. "Celui qui sauve une vie sauve le monde entier" disait déjà le Talmud il y a près de deux milles ans (1). Ce sont 12 Justes honorés par les timbres qui sont présentés ici.

 

Raoul WALLENBERG (2-4) est un diplomate suédois né en 1912 dans une famille aristocratique. Il apprend a apprécier le peuple juif lors d’un séjour en 1936 à Haïfa où il travaille pour une banque hollandaise. A la suite de la déportation  de près d’un demi-million de juifs hongrois, le Congrès Juif Mondial, l’American Joint Distribution Commutee et l’Agence Juive lui demandent de se rendre à Budapest comme diplomate volontaire pour les réfugiés. Là, à partir de l’ambassade de Suède, il organise une série de plans pour sauver des milliers de juifs. Il met à leur disposition 32 immeubles abritant 20 000 juifs sous la protection du drapeau suédois et prend soin de tous les réfugiés qui s’y trouvent. Il émet des passeports suédois qui permettent la protection de dizaines de milliers de personnes. Wallenberg organise aussi d’autres actions des plus téméraires comme la neutralisation d’une gare de transport de juifs vers les camps de la mort, le soutien des victimes destinées aux camps de concentrations ou de celles de la tristement célèbre "marche de la mort". Grâce à son action, Wallenberg et ses amis ont pu sauver 25 000 juifs d’une mort certaine et ont persuadé d’autres organisations à retirer des griffes nazies près de 100 000 autres. Le 17 janvier 1945, il est enlevé par l’armée soviétique. Au début, les Russes nient cet enlèvement puis déclarent en 1957 qu’il est mort le 17 juillet 1947 en prison d’une crise cardiaque puis incinéré. Il est le quatrième juif à avoir reçu le titre de Juste. Il possède une plaque et un arbre dans l’avenue des Justes de Yad Vachem ainsi qu’une forêt de 10 000 arbres en Galilée. Sa mémoire sera toujours bénie par le peuple juif.

Folke BERNADOTTE, né en 1895, est le plus jeune fils du Prince Oscar August de Suède, un frère du Roi Gustave V. Pendant la seconde guerre mondiale, il organise au nom de la Croix Rouge suédoise des échanges de prisonniers entre Allemands et Alliés. Encouragé par les initiatives norvégiennes et danoises pour libérer leurs concitoyens des camps de concentration, il négocie avec Himmler la libération de 7000 scandinaves au cours des mois de mars et avril 1945 incluant 400 juifs Danois du camp de Theresienstadt (5). Ensuite, il obtient la libération de quelques milliers de juifs internés au camp de Ravensbrueck. En contre partie, Himmler utilise les bons services de Bernadotte pour transmettre aux Alliés ses propositions de paix lorsque la situation de l’Allemagne devient désespérée fin avril 1945. Après la guerre, le 20 mai 1948, le conseil de Sécurité des Nations Unies demande à Bernadotte sa médiation dans le conflit israélo-arabe. C’est lui qui met au point le plan de partage de la Palestine adapté, en novembre 1948, par les Nations-Unies. Malheureusement, peu avant, le 17 septembre 1948, il meurt assassiné à Jérusalem. Ses assassins n’ont jamais été identifiés. Il a été reconnu "Juste parmi les Nations" et une forêt a été plantée à son nom dans les montagnes de Judée par le Fond National Juif.

Charles LUTZ (6) est un diplomate suisse né en 1895 et envoyé à Budapest en 1944. Il a l’idée d’utiliser les passeports suédois pour sauver des milliers de juifs de la déportation et signe lui-même la plupart de ces certificats. Avec Raoul Wallenberg et les autres représentants des pays neutres il imagine de nombreux plans pour sauver de la mort le maximum d’individus. Ignorant les ordres de quitter le pays à l’approche du front, il reste à Budapest pour délivrer le plus de passeports possibles. Il réside ainsi, dans cette ville quasi détruite jusqu’à sa libération en février 1945. Il a été reconnu comme "Juste parmi les Nations" en 1964. Il décède en 1975.

Angel Sanz BRIZ (7) est né à Saragosse  le 28 septembre 1910. Au cours de la seconde guerre mondiale, il occupe le poste d’ambassadeur en Hongrie. Le jeune diplomate a l’idée de mettre en avant les liens existants entre l’Espagne et les juifs séfarades vivants en Hongrie pour sauver la vie de milliers d’entre eux. Pour cela, il émet des passeports et des sauf-conduits et met à leur disposition des maisons protégées par l’immunité diplomatique de l’Ambassade d’Espagne. Il trouve également le moyen de faire sortir de nombreux juifs de Hongrie en se servant de différents itinéraires. En 1944, au plus fort de l’oppression nazie en Hongrie, Briz organise de multiples actions humanitaires pour soulager les juifs plongés dans une atmosphère de terreur. En 1991, il reçoit le titre de "Juste parmi le Nations" et est honoré par un arbre et une stèle à Yad Vachem. En 1994, le Président hongrois le décore de l’Ordre du Mérite de la république hongroise. Il décède à Rome le 11 juin 1980.

Maximilien KOLBE (8) restera, pour tous les défenseurs des Droits de l’Homme, un exemple de sacrifice. Pour sauver la vie de l’un de ses codétenu, le sergent Polonais Franczisek Gajonownicz, il se fait déporter à sa place à Auschwitz. Le père Maximilien Kolbe, béatifié en 1971 et canonisé en 1987, est reconnu "Juste parmi les Nations" par le peuple juif.

Aristide de SOUSA-MENDES (6,9), né en 1885, est consul du Portugal à Bordeaux en 1940. Dans cette ville où affluent des milliers de réfugiés fuyant l’Allemagne nazie il reçoit l’ordre de n’accorder aucun visa à cette population indésirable. Profondément catholique et humain, il travaille jour  et nuit pendant quelques semaines cruciales pour délivrer près  de   30 000 visas dont plus de 10 000 à des juifs qui pourront ainsi se réfugier au Portugal. Ramené à Lisbonne sous escorte, il est démis de ses fonctions et déchu de ses titres. Le discrédit atteint également sa famille qui quitte le Portugal. Il meurt dans la misère et l’oubli en 1954. Israël le nomme "Juste parmi les Nations" en 1966 et une forêt de 10 000 arbres est plantée en son honneur. Le Portugal le réhabilite en 1988 et le Congrès américain honore officiellement sa mémoire.

Yvonne NEVEJEAN (10), née en 1900, est en 1940 directrice de l’ONE (œuvre nationale de l’enfance). De par sa fonction, elle parvient à éviter le contrôle de son institution par l’occupant nazi et sauver environ 4000 enfants juifs de l’extermination. Grâce au soutien financier qu’elle obtient, elle organise le placement de ces enfants dans de nombreuses institutions non juives (orphelinats, couvents, sanatoriums, etc.). Les Allemands, pour faire croire que la déportation juive est seulement destinée à des camps de travail, décident pour la Belgique uniquement de ne pas déporter les enfants de moins de 16 ans sans leurs parents. Les enfants isolés sont donc, de façon administrativement régulière, hébergés dans des foyers mais à la merci de la Gestapo. En octobre 1942, celle-ci décide de déporter la soixantaine d’enfants du home de Weezembeek pour Auschwitz. Nevejean parvient à alerter la Reine Elisabeth (11-13), elle aussi nommée "Juste parmi les Nations", dont l’intervention permet leur libération, au dernier moment, avant leur embarquement vers une mort certaine. En 1944, lorsque les Allemands décident la déportation de tous les juifs de Belgique, Nevejean parvient, grâce à ses relations et au péril de sa vie, à cacher les enfants qui furent tous sauvés des griffes nazies. Elle est honorée "Juste parmi les Nations". Un arbre et une stèle rappellent son souvenir dans l’Allée des Justes à Yad Vachem (10).

Sempo SUGIHARA (6), né en 1900, est Consul Général du Japon en 1940 à Kovno en Lituanie où les juifs polonais s’étaient réfugiés. Cette année, les Russes demandent à tous les diplomates étrangers de quitter la Lituanie transformée depuis peu en République soviétique. Le porte-parole des juifs de Kovno, Zerah Warhaftig (qui deviendra ministre en Israël), demande de manière pressante à Sugihara d’accorder des visas de transit japonais à ses coreligionnaires. Les Soviétiques acceptant le passage par leur territoire, de tels papiers devraient permettre à ces juifs polonais d’émigrer vers l’île de Curaçao, une colonie néerlandaise. Malgré le refus de Tokyo et avec l’aide se son épouse Yukiko, le Consul Général décide de délivrer en un temps record 2139 visas personnels et familiaux permettant le sauvetage de 6000 juifs vers Shangaï, dernière ville encore hospitalière. Assigné à d’autres postes pendant la seconde guerre mondiale, Sugihara est exclus du corps diplomatique en 1947. Ce n’est qu’en 1968 qu’un diplomate israélien à Tokyo, cherchant à le retrouver pour le remercier de l’avoir sauvé, met au grand jour son action admirable. En 1984, peu de temps avant sa mort en 1986, Yad Vachem le reconnaît comme "Juste parmi les Nations". Son fils, marqué par cette histoire, décide plus tard de faire ses études à l’université hébraïque de Jérusalem.

Selahattin ULKUMEN (6), né en 1914, est Consul Général pendant la seconde guerre mondiale dans l’île grecque de Rhodes. En juillet 1944, les Allemands décident la déportation de tous les juifs de l’île. Ulkumen présente alors aux autorités d’occupation une liste de 50 juifs dont il affirme la naturalisation turque. Après avoir refusé dans un premier temps sa requête, les Allemands finissent par lui donner raison. Le reste des 1500 juifs de Rhodes est, cette année, déporté à Auschwitz. Ulkumen est reconnu "Juste parmi les Nations" en 1990.

Giorgio PERLASCA (6), un citoyen italien né en 1910, est membre d’une délégation espagnole à Budapest, durant la seconde guerre mondiale. A l’approche de l’Armée Rouge, l’Espagne demande à sa délégation de quitter le pays et met en poste Perlasca comme chargé d’affaires. Avec Wallenberg et d’autres représentants des pays neutres, il négocie avec les autorités pro-nazies le sauvetage de milliers de juifs grâce aux sauf-conduits espagnols et aux maisons protégées par le drapeau espagnol. On estime, ainsi, à un millier le nombre de juifs sauvés par son action. Il est nommé "Juste parmi les Nations" en 1988. Il décède en 1992.

  Alain BERREBI

Amicale Philatélique

        France-Israël

 

Remerciements : à M. Charles WILDSTEIN, d’Anvers, pour les documents qu’il m’a aimablement adressés

 

Références :

¨       Encyclopedia Judaïca – CD–ROM Edition – Judaïca Multimedia – Israël –1998.

¨       SZLOS-GODIN S. – Wallenberg, sauveur de juifs Hongrois, honoré par l’UNESCO - Actualité Juive - 1999 ; 609 : 19

¨       SUGERMAN E. – Angel Sanz Briz, a righteous gentile – Israël Judaïca Collector – 1999 ; 46 : 10

¨       ROZENTAL C. – Yvonne Nevejean (1900-1987) – Bulletin de l’APFI – 1996 ; 26 : 522

¨       SZWARC S. – Chiune Sugihara, un Juste – Actualité Juive – 1998 ; 564 : 27

 

 

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