L’AVENTURE DE L’ARME ATOMIQUE

               RACONTEE PAR LES TIMBRES

 

 

      (José SALMONA)

 

 

 

Peu nombreux sont ceux qui se souviennent encore de ces deux dates fatidiques d’août 1945 qui allaient ébranler le monde, mener à la reddition du Japon et à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.

En effet, le 6 août 1945, le colonel Paul Tibbetts de l’U.S. Air Force, dans son bombardier surnommé « ENOLA GAY », lâchait sur HIROSCHIMA la première bombe atomique à l’uranium 235 baptisée « LITTLE BOY » (Petit garçon).

Le 9 août, NAGASAKI subissait le même sort sous l’effet d’une bombe plus volumineuse au plutonium, surnommée « FAT MAN » (Gros bonhomme).

Cette tragédie fut l’aboutissement d’un travail long et pénible, auquel participèrent des équipes multidisciplinaires de physiciens, chimistes et mathématiciens.

Pour ceux qui se sont  intéressés à ces évènements, des noms et des lieux reviennent à l’esprit : Einstein (1) et sa formule « E = MC2 », Fermi et sa première   réaction en chaîne, Oppenheimer (2), maître d’œuvre du Projet Manhattan, Los Alamos, Oak Ridge, Alamogorde, etc.

Sans vouloir m’étendre sur l’histoire de l’aventure atomique, je voudrais donner quelques éléments sur sa genèse et rappeler le nom de ses principaux acteurs : Becquerel et la découverte de la radioactivité, Pierre et Marie Curie et leurs travaux sur le radium, les équipes anglaises de Cambridge et Manchester menées par Rutherford, Chadwick et Soddy, les Allemands à Berlin et Göttingen, dont Max Planck (3), Otto Hahn, Lise Meitner (4), Werner Heisenberg, C.F. von Weizsaker, etc, les Russes dont Kapitsa(5), Gamov, Joffé, Landau (5,6),  Kurchatov, les Français dont les Joliot-Curie, Perrin, Kowarski, Goldscmidt, Halban, les Italiens dont Fermi, Ségré, Pontecorvo (par la suite transfuge à l’Est), les Américiains dont Compton, Lawrence, Rabi, Oppenheimer, auxquels se sont joints de nombreux scientifiques d’origine allemande, hongroise et italienne.

Les premiers travaux scientifiques qui aboutirent, au début du 20ème siècle à la découverte de l’énergie atomique, avaient été entrepris par des savants isolés travaillant avec des moyens souvent rudimentaires. A partir de 1939, ils allaient s’accélérer grâce aux ressources considérables mises en œuvre pendant la         2ème Guerre Mondiale.

On peut dater le début de l’ère atomique à décembre 1942, par la mise au point, par l’Italien Enrico Fermi, de la première pile atomique. Cette ouverture sera la première étape vers la fabrication de la bombe atomique et l’utilisation de l’énergie nucléaire.

Le développement de ces recherches va prendre un essor considérable aux Etats-Unis et au Canada, situés loin du champ de bataille.

 

 

Signalons au passage que se joindront à l’équipe canadienne les Anglais de Cambridge en octobre 1942 et, par la suite, les Français Halban, Kowarski, Goldscmidt et Auger.

Aux Etats-Unis, des équipes sont formées dans les grandes universités de Chicago, Columbia (New York) et Californie. Elles seront épaulées, entre autre, par des scientifiques originaires d’Allemagne, Autriche, Hongrie et Italie ayant réussi à fuir les régimes nazi et fasciste.

Un élément intéressant à signaler ici est l’attitude des dirigeants et de certains savants allemands vis-à-vis de la science atomique. En effet, la théorie de la relativité d’Einstein était considérée par certains comme « un bluff mondial juif ». Les travaux basés sur les résultats d’Einstein et du danois Niels Bohr (7) (de mère juive) étaient traités avec mépris comme découlant de la « science juive » car très nombreux étaient les scientifiques juifs qui travaillaient dans ce domaine, tels Otto Stern(8),  Lise Meitner, James Franck (9), Hans Bethe (10), ainsi que toute une pléiade de Hongrois tels Léo Szilard (11), Edward Teller, John von Neumann et Eugen Wigner.

Cette aversion du Fuhrer pour la « physique juive » allait l’amener à négliger très sensiblement son intérêt pour ce type de développement.

Cette situation était mal connue des Alliés. On ne l’a appris que par la suite et notamment après « L’OPERATION EPSILON » au cours de laquelle dix des plus grands physiciens allemands dont trois Prix Nobel, Hahn (12), von Laue (12) et Heisenberg (13), avaient été transférés, de juin à décembre 1945, dans un manoir, le Farm Hall près de Cambridge (G.B.), où ils avaient fait l’objet d’écoutes clandestines par les Services Secrets britanniques. De leurs conversations et au cours d’interviews ultérieurs, il en était ressorti que Hitler tenait en peu d’estime les recherches dans le domaine atomique et qu’il s’était montré plutôt réticent à leur développement.

En effet, le Fuhrer visait des résultats rapides et avait fait porter tous les efforts sur la mise au point des fusées V 1 et V 2.

Néanmoins des rumeurs persistantes, provenant de pays neutres, faisaient état de recherches avancées dans ce domaine et ceci allait à son tour faire accélérer le rythme des études chez les Alliés.

C’est à ce moment là que va entrer en jeu le « quatuor » des Hongrois cités plus haut. Cette équipe de jeunes scientifiques talentueux qui avaient beaucoup travaillé à Göttingen, Hambourg et Berlin, allaient, au cours de leur séjour aux U.S.A., se faire les champions de la construction de la bombe atomique. Ils redoutaient en effet que l’Allemagne mette très rapidement au point cette arme terrifiante. Un des éléments de cette situation était la crainte de voir certains travaux dupliqués par les Allemands. En effet, ceci pouvait surtout découler du fait que les résultats étaient publiés dans des revues scientifiques par des savants qui voulaient, en toute loyauté, partager leurs connaissances avec le reste de la communauté scientifique. Une des premières initiatives de Szilard fut de marquer son opposition à ces publications, attitude très mal accueillie par ses pairs. Au départ, seuls trois de ses collègues, Teller, Wigner et Weisskopf, se rangèrent à son avis.

Szilard va aussi chercher à alerter les autorités américaines sur la situation en Allemagne. Mais, étant encore peu connu, il va tenter de faire intervenir Einstein qui jouit d’un grand prestige dans les milieux universitaires et politiques. Après maintes démarches, Szilard rédige avec Wigner un projet de lettre et un mémorandum explicatif attirant l’attention sur les objectifs nazis.

Einstein accepte de signer ce document et de le présenter au président Roosevelt. Celui-ci décide immédiatement la création d’un « Comité Consultatif de l’uranium ».

Les tergiversations des politiques, l’incrédulité et la méfiance manifestées par les militaires des trois armes et aussi par certains chercheurs à l’encontre de ces « étrangers » d’Europe Centrale et de Fermi, l’Italien, « l’étranger ennemi » (depuis décembre 1941, Pearl Harbour et l’entrée en guerre des U.S.A., l’Allemagne et l’Italie sont considérées comme pays ennemis), vont retarder le mise en route du projet industriel, connu sous le nom de « PROJET MANHATTAN », jusqu’à la mi-1942.

Avec l’achèvement des travaux, un autre souci vient troubler la conscience de certains des physiciens : la crainte que les Etats-Unis, maintenant dotés de l’arme suprême, ne soient à l’origine d’une course aux armements avec l’URSS. Encore une fois, Szilard avec Einstein vont essayer d’intervenir auprès de Roosevelt pour le mettre en garde sur les conséquences au plan international de cette suprématie pouvant découler de l’utilisation éventuelle de la bombe.

Par suite des lenteurs administratives et du peu d’intérêt manifesté aux divers échelons du gouvernement, cette lettre demeurera sans suite, sur le bureau du Président jusqu’à sa mort le 12 avril 1945.

Avec l’arrivée de Truman à la présidence et son ignorance des affaires, la démarche de Szilard sera encore retardée. Elle aboutira, après une suite de circuits, entre les mains du ministre de la Défense Stimson, qui mettra sur pied un comité d’experts composé de ministres et de politiques, assisté d’un sous-comité de scientifiques comprenant Oppenheimer, Fermi, Compton et Lawrence. Ce sous-comité a été consulté sur la proposition d’une démonstration de l’arme, comme cela avait été déjà prôné par Szilard et les scientifiques du Centre Atomique de Chicago, mais cette motion a été rejetée. Une initiative de même nature avancée par James Franck, Prix Nobel, fut aussi repoussée.

Après de multiples réunions avec des experts et en dépit de prises de position divergentes entre chercheurs et militaires (ces derniers arguant qu’une invasion du territoire japonais risquait d’entraîner des pertes de l’ordre de 600.000 hommes), l’utilisation de la bombe est sérieusement envisagée.

Un essai est décidé et pleinement réussi le 16 juillet 1945 à Alamogorde, dans le désert du Nouveau Mexique. Le 16 juillet est aussi la veille de la Conférence de Potsdam qui réunit Truman, Churchill et Staline et au cours de laquelle le Japon est averti que la guerre continuera à outrance jusqu’à la fin de toute résistance. Ce n’est que le 24 juillet que Truman annonce à Staline, à mots couverts, l’existence d’une arme nouvelle d’une puissance de destruction inhabituelle, ce dont le « petit père des peuples » se doutait depuis fort longtemps.

Le 28 juillet, Tokyo rejette l’ultimatum de Potsdam. Dès lors, la décision est prise sur le plan opérationnel. L’aviation US va intervenir dans les jours qui suivent, des conditions météorologiques favorables étant impératives pour la réussite de l’opération.

Après les deux explosions, le Japon, le 14 juillet, fait savoir par l’entremise de la Suisse qu’il accepte la reddition sans conditions.

En conclusion, je reviendrai sur quelques faits saillants qui ont illustré le cheminement de certains des personnages évoqués dans le texte. Au regard de la multiplicité des acteurs, mon choix sera éminemment subjectif, mais légitimé par leur engagement « politique ».

 

 

 

 

ENRICO FERMI  -  1901-1954

L’emprise croissante du fascisme en Italie et l’antisémitisme oblige les Fermi (Mme Fermi étant d’origine juive) à émigrer aux Etats-Unis et l’obtention du Prix Nobel en 1938 favorise ce départ.

Arrivé en janvier 1939 aux USA, Fermi va travailler à Los Alamos avec Bohr, Oppenheimer, Urey, Fuchs et Pontecorvo.

Sa participation au développement de l’atome a été déjà décrite.

 

 

ROBERT OPPENHEIMER  -  1904-1967

Nommé en 1942 directeur scientifique du programme de recherche pour la fabrication de la bombe atomique, il assure, au prix d’énormes difficultés, la réussite technique de l’entreprise.

Après la guerre, Oppenheimer continuera de jouer un rôle majeur dans la politique nucléaire américaine. Son opposition au projet de bombe H en 1949, lui vaudra de comparaître, en 1954, en pleine période maccarthyste, devant une commission qui mettra en cause sa loyauté et lui retirera toutes ses accréditations. En cause aussi, sa sympathie supposée pour la « gauche ». Ainsi ce physicien qui voua sa vie à la physique et à son pays, a vu son destin brisé et son nom diffamé.

 

 

EDWARD TELLER  -  1908

Né à Budapest, Teller va fréquenter les universités allemandes. Il émigre aux Etats-Unis dès l’arrivée de Hitler au pouvoir et va travailler avec Oppenheimer à Los Alamos.

Il fait une découverte majeure qui va permettre la fabrication de la bombe H et entre en conflit avec Oppenheimer qui s’opposait au développement de cette arme en raison de son pouvoir de destruction massive.

 

 

JOHN VON NEUMANN

D’origine hongroise, von Neumann est déjà considéré, en 1930, comme l’un des mathématiciens les plus prestigieux de sa génération. Il émigre aux USA et réussit à mettre au point un calculateur électronique beaucoup plus performant que celui utilisé jusqu’alors, le « ENIAC », qu’il va baptiser le « MANIAC », acronyme pour  « Mathematical Analyser Numerical Integrater and Computer ».

Cet appareil permettra de résoudre les calculs les plus compliqués en un minimum de temps. Neumann sera aussi impliqué dans les calculs extrêmement difficiles de la mise au point de la bombe H.

 

 

 

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